
Entretien avec l’autrice Kerima Chelbab
As salam alaykum wa rahmatuLah wa barakatuh chères lectrices (et chers lecteurs, je ne vous oublie pas) ! J’espère que vous allez bien et que vous passez de bonnes vacances (pour celles et ceux qui ont cette chance). De notre côté, après un mois de Ramadan riche en émotions (surtout en amour, subhanAllah), on continue de travailler dur pour vous proposer du contenu de qualité.
Comme vous le savez, chez Al-Adawiyya, on met un point d’honneur à dénicher des talents. Et, il faut se l’avouer, notre communauté en est bourrée ! Il faut juste de la curiosité pour les dégoter et assez de courage pour les mettre en lumière. C’est avec un immense plaisir qu’aujourd’hui, à travers cette petite (ou grande, à vous de nous le dire dans les commentaires) interview, que notre équipe souhaitait donner la parole à notre très chère soeur Kerima Chelbab (son Instagram : ici), autrice des tomes « Le Nacre des coeurs ».
QUESTION N°1 : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots à celles et ceux qui vous découvrent ?
Moi, c’est Keri.
J’ai toujours beaucoup de mal à me définir car je me définis en général précisément par ma MULTICASQUETTES. Et je crois que c’est le cas de beaucoup de femmes. Mais si on doit commencer quelque part, alors je suis avant toute chose une croyante éprise d’amour qui L’a trouvé avec ma conversion à l’islam il y a de cela 6 ans. C’est important pour moi de commencer par là car je considère que ma conversion a été le début non pas de ma vie organique ou intellectuelle mais de ma vie SPIRITUELLE. J’ai réappris à voir le monde avec les lunettes de l’amour. Ainsi, dans ma pratique, il y a une grande part pour la spiritualité, étant affiliée à une tariqa et cela se ressent – je crois – assez fort dans mes écrits.
Je suis aussi professeure de philosophie, j’aime remettre en question les choses, les interroger et aller dans leur profondeur. J’ai également fondé mon asso écologique « Les P’tites Mains de la Nature », j’ai ma chaîne YouTube dans laquelle je parle de philo, de spiritualité, de mes réflexions et aussi de sport car ce dernier est aussi très important dans ma vie. Amoureuse des mots depuis toujours et sous toutes leurs formes (jusqu’au to do list que je rédige religieusement chaque soir et matin !), j’ai un grand respect pour la langue française que je considère être l’une des plus belles et je tâche – par elle – d’exprimer mes combats : la cause des femmes (elles sont encore bien trop à souffrir dans le monde) et aussi la mise en avant de cet islam éclairé qui – à mon sens – n’est rien d’autre que l’islam naturel et traditionnel. Dans ma vie, « IQRA » a une grande place car je pense sincèrement que le musulman a ce devoir d’érudition religieuse et d’édification spirituelle, certes, mais qu’il doit aussi être un acteur de sa société en s’informant, en se cultivant et en devenant la meilleure version qu’il puisse être.
QUESTION N°2 : Quel a été votre parcours (parcours profane, religieux, etc…) ?
D’un point de vue profane, j’ai fait une école préparatoire mêlant littérature et surtout philosophie, puis, un parcours classique à la faculté puisque j’ai obtenu mon Master de Philosophie.
Quant à mon parcours d’autrice, j’ai commencé à écrire dès mon plus jeune âge, véritablement. A partir du moment où j’ai su écrire, je n’ai plus jamais cessé. Allah m’a ainsi permis de réaliser l’un de mes premiers rêves qui était de publier mon 1er ouvrage à 20 ans : Les Déchéantes petites nouvelles, qui est mon premier recueil de nouvelles, nouvelles écrites dès mon plus jeune âge et que j’ai voulu réunir en un recueil. Puis, en 2018, Dix petits contes cauchemardesques fut mon deuxième recueil de nouvelles, plus conséquent celui-ci. Enfin, 2023 a été l’année de mon premier roman, Le Nacre des Coeurs. J’ai toujours rêvé d’écrire un roman sans me lancer et ce fut chose faite grâce à Dieu. Quand ce roman est paru, j’étais déjà convertie depuis un peu plus de trois ans et cela se voit aisément aux simples couleurs de l’ouvrage : claires, nacrées, pures. Tandis que mes deux premiers recueils tendaient davantage vers les teintes noires, foncées. Le Nacre des Coeurs restera l’ouvrage – je pense – le plus important de ma vie car c’est d’abord – comme je l’ai dit – le premier livre publié après conversion donc il porte en lui tous les changements positifs de cette dernière à bien des égards. Ensuite, c’est aussi parce que j’y ai mis tant de mes combats, de mes luttes mais aussi de mes peurs et de mes espoirs. Ce livre, je l’aime d’amour, j’ai un lien très spécial avec lui, je le vis et l’incarne. Le deuxième tome est d’ailleurs sorti il y a un mois de cela, soit le 14 mars. Dans cette odyssée spirituelle, vous êtes invités à mettre de côté vos idées reçues, à abandonner vos préjugés et à renouer avec votre cœur
QUESTION N°3 : Quel est le verset ou hadith (ou les deux) qui vous touche le plus ?
Il y en a plusieurs !
Le tout premier qui m’a fait tomber amoureuse… : « Le Messager d’Allah ﷺ a dit : « Allah, à Lui la Puissance et la Grandeur, dit : « Je suis à l’égard de Mon serviteur selon ce qu’il pense de Moi, et Je suis avec lui là où il M’évoque. Par Allah ! Allah se réjouit plus du repentir de Son serviteur que l’un d’entre vous retrouvant sa monture égarée dans le désert. Celui qui s’approche de Moi d’un empan, Je M’approche de lui d’une coudée et celui qui s’approche de Moi d’une coudée, Je M’approche de lui d’une brasse. Et celui qui se dirige vers Moi en marchant, Je M’approche de lui avec empressement. »
« Allah dit : »Je déclarerai la guerre à quiconque se montre hostile à l’un de Mes alliés (waliy). Parmi tous les moyens employés par Mon serviteur pour se rapprocher de Moi, rien ne M’est plus agréable que la pratique de ce que Je lui ai imposé. Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Une fois que Je l’ai aimé, Je deviens son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il combat et son pied avec lequel il marche. S’il Me demande alors quelque chose Je la lui donne et, s’il Me demande Ma protection, Je la lui accorde. Aucune chose ne Me fait hésiter plus que [de prendre] l’âme de Mon serviteur croyant : il déteste la mort et Je déteste le blesser. » «
Al-Bukhari
Mais aussi, le verset 186 de la sourate Al-Baqara : »Et quand Mes serviteurs t’interrogent sur Moi.. alors Je suis tout proche : Je réponds à l’appel de celui qui Me prie quand il Me prie. Qu’ils répondent à Mon appel, et qu’ils croient en Moi, afin qu’ils soient bien guidés ». Mais encore, le verset 16 de la sourate Qaf : « Nous avons effectivement créé l’homme et Nous savons ce que son âme lui suggère et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire ». Je citerai aussi une citation de Rumi, immense référence spirituelle en islam : « Ce que tu cherches te cherche aussi ». En somme, tout ce qui a trait au rapprochement divin, à Son amour, à Sa proximité… fait fondre mon cœur d’amour car c’est précisément la quête de ma vie.
QUESTION N°4 : Quel est votre auteur ou autrice préféré(e) ? Pourquoi ?
Dans le domaine plus littéraire, je citerai Baudelaire qui est l’une de mes références depuis des années. J’aime sa profondeur mais aussi sa noirceur, son côté cynique certes mais aussi son incroyable sensibilité, le fait qu’il s’efforce de retrouver sur le chaos et dans la boue, toujours de la beauté. Je le trouve incroyable.
Dans le domaine philosophique, je ne peux m’empêcher de citer Sofiane Meziani en termes de philosophie contemporaine. Il remet la lumière sur l’importance de la spiritualité en islam mais surtout de la spiritualité éclairée et réconcilie ainsi islam et philosophie, tout en réinterrogeant la modernité et notre rapport à elle, en tant que croyant. C’est aussi l’entreprise qui est la mienne dans ma série YouTube « Dine and Think »; on a bien malheureusement trop vite distancié la religion de la philosophie alors que toutes deux sont en recherche de vérité et que l’une mène toujours – si l’on est sincère – à l’autre, quoi qu’il arrive. J’aime aussi énormément les philosophes plus classiques comme Kant, Descartes, Nietzsche…
QUESTION N°5 : Quels sont vos ouvrages préférés ?
- Le CORAN.
- Soufi, mon amour, Elif Shafak.
- Le souffle de l’esprit ou comment faire face au culte de la matière, Sofiane Meziani.
- Les Fleurs du Mal, Baudelaire.
- Le jardin au fond de toi, Faiza Khemar.
QUESTION N°6 : Quel est votre film préféré ? Pourquoi ?
J’aime énormément le film Ecrire pour exister de Richard LaGravenese. Je le trouve encore tellement actuel quant aux problématiques contemporaines par rapport à l’éducation, à la jeunesse et au rapport à l’apprentissage.
J’aime aussi beaucoup La French de Cédric Jimenez pour l’hommage au patrimoine français. Le film Requiem for a dream m’a aussi énormément bouleversée, je ne peux pas vraiment dire que je l’aime car il est très dérangeant voire choquant mais tellement dénonciateur et nécessaire.
Enfin, je finirai par le film et livre La Tresse de Laetitia Colombani… Pour son hommage aux combats de toutes les femmes du monde entier.




QUESTION N°7 : Quelle est votre série TV préférée ?
Black Mirror pour sa critique de la société et sa prévention quant aux dérives qu’elle pourrait connaître, American Horror Story, Desesperate Housewives, etc.
QUESTION N°8 : Quel rôle joue l’écriture dans votre vie ?
Un rôle libérateur de catharsis mais aussi de mémoire, de thérapie, d’hommage et de testament… C’est à la fois très personnel et très public car en plus de ce rôle très intime de catalyseur, je donne à mon écriture le rôle très public et extérieur de dénoncer… Pour moi, l’écriture est le moyen parfait pour dénoncer car elle est subtile, ne force à rien, invite seulement, certes, mais reste dans les mémoires. Combien de livres nous ont marquée et dont on se rappelle toujours ? L’écriture est subtile et puissante, énergique mais discrète, elle a ce rôle à la fois très féminin et masculin : elle intuitionne mais clame aussi fort dans ses messages.
QUESTION N°9 : Comment est née l’idée d’écrire Le Nacre des cœurs ?
Je dirai de façon presque anodine même si – a posteriori – on se rend compte que rien ne l’est… Je revenais de vacances et j’ai commencé à ouvrir mon ordinateur dans la voiture et à écrire. Je me souviens que je voulais écrire sur un personnage oriental, un peu engoncé dans une certaine pudeur et culture parfois enfermante, un peu maladroit mais très dévot. Ce personnage, ce n’est rien d’autre qu’Aziz, mon personnage principal. Ensuite, j’ai continué à écrire et à donner à mon histoire ses formes, ses contours mais aussi ses dépassements.
QUESTION N°10 : Quelles ont été vos sources d’inspiration pour cette duologie ?
Mon parcours personnel : enfant adoptée d’un père immigré algérien, ayant vécu toute ma jeunesse ou presque sans religion et dans une famille française quasiment athée, moi-même rejetant la religion jusqu’à tard dans mon parcours, j’ai nécessairement appris à faire avec cette dualité. Ma conversion a réconcilié, certes, mon coeur avec la foi et la sérénité en découlant mais aussi avec mes origines algériennes. Avant elle, je ne m’y intéressais absolument pas, je me considérais comme uniquement française, reniant un peu ce mélange dont je suis le fruit. Maintenant, je me suis réconciliée avec cette double identité qui – en fait – n’en est qu’une. Musulmane et à moitié algérienne, certes, mais française et attachée à sa culture. Le Nacre des Coeurs joue sans cesse de cette subtilité…
QUESTION N°11 : Y a-t-il des éléments autobiographiques dans ces romans ?
Oui, mais je ne dirai pas lesquels ! A vous de deviner (rires). Plus sérieusement, quand on me connaît un minimum – même si ce n’est qu’à travers les réseaux – on retrouve vite ces éléments.
QUESTION N°12 : Comment avez-vous construit vos personnages ? Certains sont-ils inspirés de personnes réelles ?
Tous mes personnages sont inspirés de personnes réelles, d’inspirations, parfois même juste d’esquisses de personnes… Je pars toujours d’une base réelle, puis, j’étoffe. J’aime énormément le côté descriptif du physique mais surtout de la psychologie des personnages. C’est l’une de mes parties préférées dans l’écriture : explorer les tréfonds de la psyché humaine à travers mes personnages.
QUESTION N°13 : Le titre Le Nacre des cœurs est poétique et symbolique. Comment l’avez-vous choisi ?
Je voulais écrire quelque chose d’universel, qui puisse être compris et surtout reçu par chacun, sans distinction de religion, d’ethnie, de traditions, etc. Bien sûr, je suis musulmane et je parle d’Allah mais je fais tout pour que mon écriture soit la plus discrète à ce sujet car je ne souhaite pas enfermer le message. A ce titre, je me suis demandé ce qui était le plus universel, ce que l’on partageait le plus en tant qu’êtres humains et la réponse fut claire : il s’agit du nacre de nos cœurs, autrement dit, de cette fitra logée dans le cœur de tout humain qui – à un moment ou un autre de sa vie – se manifeste. A lui ensuite de l’accepter ou non. Le nacre est aussi le symbole de cette pureté encore virginale qui se trouve au cœur d’un coquillage avec la perle de nacre, que l’on atteint qu’après certains efforts. Ici, est métaphorisé le travail de purification de l’âme, essentiel à tout croyant et tout être humain.
QUESTION N°14 : Quels sont les principaux messages que vous souhaitez transmettre à travers ces ouvrages ?
A travers ces ouvrages, j’aimerai transmettre avant tout le message de la cohésion humaine tout d’abord : par-delà nos différences de croyances, de religions, de traditions, de modes de vie, nous nous accordons essentiellement sur la chose la plus importante : le nacre de nos cœurs. Cette sensibilité spéciale et tout à fait humaine qui nous fait rechercher la beauté, l’harmonie, le sens en toutes choses. De façon plus précise, j’aimerai modestement réconcilier bon nombre de croyants qui – sous prétexte de pratiques/madhabs/courants différents – se livrent une guerre bien malheureuse alors même qu’ils oublient ce qui les lient avant toutes choses : la foi en Allah. Enfin, j’ai aussi un fort message politique quant à la place des femmes bien malheureusement encore trop minime dans certaines sociétés à mes yeux. Et bien malheureusement, souvent dans les sociétés se disant les plus pieuses ou croyantes. Le traitement de la femme dans ce type de sociétés a été si travesti quant à ce que demande l’islam que je ne peux que le dénoncer. De façon plus générale, le sort de toutes les femmes à travers le monde m’importe au sens où je trouve qu’elles souffrent encore bien trop, au seul motif de leur sexe.
QUESTION N°15 : L’histoire explore des thématiques profondes comme la foi, l’amour et la résilience. Pourquoi avoir choisi d’aborder ces sujets ?
J’ai choisi ces thèmes car ils berçent tout simplement ma vie depuis ma conversion. Je suis une amoureuse de l’Amour avec un grand A, j’ai aussi une forte spiritualité au sens où pour moi, rien ne vaut la connexion ultime, intime et profonde que chaque être humain a ou devrait avoir avec Dieu. La résilience, car c’est aussi évidemment un grand thème dans mon existence et à nouveau, une qualité que l’on trouve chez les femmes à un degré supérieur à leurs congénères masculins. Par essence mais aussi par leur situation actuelle en société, par leur situation privée dans leur quotidien, les femmes incarnent en permanence cette résilience.
QUESTION N°16 : Comment avez-vous travaillé l’aspect spirituel du récit ?
En laissant parler mon cœur et sans trop apporter surtout de références explicitement islamiques. A nouveau, je voulais que le message soit universel tout en étant évidemment orienté. J’ai parfois fait référence à des situations, versets voire hadiths dans Le Nacre des Cœurs mais je n’ai jamais été univoque, j’ai toujours laissé la possibilité dans mon livre – je le pense – à quiconque de se retrouver, même s’il n’est pas musulman ou croyant.
QUESTION N°17 : Quelle place occupe la culture et l’héritage dans l’histoire ?
Une place ambivalente. Une place de respect, de reconnaissance de son importance, d’amour même de ses apports mais aussi et surtout de mise en question. A mon sens, la culture a depuis toujours bien trop investi le domaine religieux et cela donne à l’heure actuelle de grosses problématiques : amalgames permanents, comportements purement tribaux, individualisme et sectarisme… J’aime énormément la culture turque que j’aborde d’ailleurs dans mon ouvrage, je la trouve fascinante et belle à bien des égards mais elle ne prend pas le pas sur le lien vertical à Allah. J’ai aussi exploré les cultures maghrébines et arabes que j’ai – il est vrai – critiqué à certains égards car je pense cela juste. La culture et l’héritage font partie de chaque être humain mais ne doivent pas se mettre en travers de son cheminement spirituel vers Allah et sa découverte de lui-même.
QUESTION N°18 : Avez-vous rencontré des défis particuliers en écrivant sur ces thèmes ?
Peut-être la peur d’être un peu incomprise voire jugée car lorsqu’on touche à la culture d’un groupe, d’autant plus lorsqu’il est dominant, on craint toujours de ne pas en sortir indemne. A mes yeux, on ne doit pas être craintif ou stressé à l’idée de critiquer des pratiques humaines car elles sont précisément humaines et donc possiblement à remettre en question.
QUESTION N°19 : Le personnage principal traverse des épreuves marquantes. Comment avez-vous façonné son évolution ?
Sûrement à la lumière de la mienne et des personnages qu’il rencontre… Je voulais véritablement qu’Aziz vive une odyssée spirituelle mais aussi psychologique, d’où mon amour pour la description de la personnalité de mes personnages. Je souhaitais démontrer qu’à travers toutes ces rencontres aussi uniques que différentes, Aziz allait essentiellement grandir, se remettre en question, bref, évoluer. Et surtout que s’Il est Un, Ses serviteurs sont aussi divers qu’originaux et que l’on a pas à placer une expérience spirituelle au-dessus d’une autre.
QUESTION N°20 : Quel personnage vous ressemble le plus, et pourquoi ?
Je pense être un peu dans tous mes personnages. Car ils représentent tous une partie de ma personnalité, de mes combats et de mes idéaux.
QUESTION N°21 : Pensez-vous que vos lecteurs peuvent se reconnaître dans cette histoire ?
OUI et c’est d’ailleurs ce que je VEUX permettre. En esquissant un panel aussi foisonnant de personnages différents, j’entendais précisément ouvrir le champ des possibles en termes de personnalités. Tout le monde peut s’y reconnaître car, précisément, tout le monde a une part obscure, quand bien même il voudrait la cacher. A mon sens, on est pas méchants par hasard, on ne pèche pas par hasard… Chaque personne a une histoire qui l’a menée là où elle est actuellement. Découvrons les ensemble.
QUESTION N°22 : Comment s’est déroulé le processus d’écriture de cette duologie ?
J’ai d’abord tout écrit d’un coup, soit plus de 1000 pages, puis, sur le conseil d’un éditeur, j’ai séparé le roman en plusieurs tomes. A l’heure actuelle, il devrait y en avoir 3.
QUESTION N°23 : Aviez-vous une routine d’écriture particulière ?
J’aime écrire le soir, avec une musique d’ambiance et dans la solitude la plus complète. Quant aux inspirations, elles peuvent venir à tout moment de la journée mais le côté rédactionnel est très souvent réservé au soir.
QUESTION N°24 : Quels ont été les plus grands défis lors de la rédaction ?
Savoir me contenir afin de rester dans une cohérence car j’ai beaucoup de choses à dire ! Parvenir à mettre un point final, c’est très dur quand c’est l’oeuvre de votre vie.
QUESTION N°25 : Vous êtes-vous heurtée à des blocages créatifs ? Si oui, comment les avez-vous surmontés ?
Non, grâce à Dieu car je me force – quoi qu’il arrive – à écrire. Même si c’est juste une phrase. Même si c’est une phrase sans queue ni tête. Quand j’ai décidé d’écrire, je ne ferme pas mon ordinateur sans avoir écrit, ne serait-ce qu’une phrase.
QUESTION N°26 : Quelles ont été les étapes marquantes du chemin vers la publication ?
Une étape m’a marquée et m’a déçue en même temps qu’elle m’a appris. Je devais être publiée avec une maison d’éditions musulmane qui a beaucoup aimé ma plume. Néanmoins, à partir du moment où elle a lu davantage de mon texte, elle s’est rétractée au vue des thèmes parfois assez dérangeants et tabous que j’aborde, par peur d’avoir de mauvais retours de la part des lecteurs musulmans. Elle ne voulait ainsi prendre aucun risque. Cela m’a un peu déçue car je déplore assez le fait que dans la littérature dite musulmane ou destinée à un public musulman, on a tout de même tendance à s’enfermer afin de ne pas « choquer », « heurter », etc. et on fait preuve d’une certaine « lâcheté » et fermeture d’esprit. Tandis qu’il existe des réalités, certes brutes, mais qui doivent être exposées et à propos desquelles le tabou doit être levé ou du moins allégé. Cela ne signifie pas en faire la propagande mais en discuter. Malgré cela, je sais que cela faisait partie du plan Divin et je suis très heureuse de la situation actuelle. Je suis publiée chez Atramenta/Stylit qui est à la fois maison d’éditions mais aussi prestataire de service, ce qui me permet d’avoir un certain accompagnement (ce n’est pas de l’auto édition) mais aussi une certaine liberté.
QUESTION N°27 : Quel retour de lecteurs vous a le plus touchée ?
Quasiment tous car ils m’apportent tous quelque chose… Mais en particulier celui d’une sœur, une amie actuellement qui a tant aimé Le Nacre des Cœurs qu’elle a décidé de m’aider assidûment à sa promotion. Que Dieu préserve tous mes lecteurs et les élève, les aime. Egalement, ceux qui me disent qu’ils ne peuvent plus s’arrêter de lire ou bien qu’ils ne parviennent pas à continuer car les thèmes remuent trop de choses en eux…
QUESTION N°28 : Comment espérez-vous que vos livres influencent vos lecteurs ?
Positivement. Vers la paix intérieure, le lien vertical à Allah, la foi qui rassure, rassérène et apaise. Vers l’ouverture sur le monde et l’Amour.
QUESTION N°29 : Quel rôle joue la littérature dans la transmission de valeurs et d’idées ?
Un rôle de médiateur exceptionnel : subtil mais bien présent, qui ne force à rien mais qui invite… Qui marque dans le temps et ancre. Qui donne une portée sans agresser.
QUESTION N°30 : Avez-vous d’autres projets littéraires en préparation ?
Oui, la suite du Nacre des Cœurs, bien sûr ! Ainsi que deux autres idées d’ouvrages que je garde secrètes pour le moment. Je peux simplement dire que l’un des deux aura davantage une portée philosophique et pédagogique. Si Dieu le permet…
QUESTION N°31 : Quel conseil donneriez-vous à ceux qui aimeraient écrire un roman mais hésitent à se lancer ?
L’hésitation, c’est dans la tête ! LANCEZ VOUS. ECRIVEZ. Même si ce n’est qu’UN mot, qu’une phrase, qu’une ligne. Forcez-vous à commencer quelque part. Comme je l’avais fait dans un atelier écriture que j’ai pu animer, n’hésitez pas à demander à quelqu’un d’écrire une phrase pour vous et commencez par là. J’avais donné des phrases aléatoires aux participants afin qu’ils soient forcés de commencer par là. Par exemple, « aujourd’hui, j’ai marché dans la rue avec mes chaussures rouges ». A partir de là, CONTINUEZ. Même si cela n’a pas de sens, cela n’a pas d’importance car vous êtes en train de vous forger la main. On croit trop souvent à tort que l’écriture n’est qu’un talent. Oui, c’en est un, je le pense mais c’est aussi de l’entraînement.
QUESTION N°32 : Quels conseils donneriez-vous à nos jeunes francophones musulmans pour assumer au mieux leur religion dans un texte politique difficile ?
Ne pas tomber dans une peur/un fantasme de « l’ennemi' », en mode « eux VS nous ». Continuer de bien se comporter en société, d’assumer sa double culture et identité et BRILLER. Montrer le bon exemple, être à la hauteur de l’islam et non pas le rabaisser. Ne pas tomber dans le piège d’un séparatisme absurde… Les médias ne reflètent pas l’exacte réalité. Sortir de la position victimaire et prendre sa place subtilement et intelligemment, voilà ce que l’on doit faire.
QUESTION N°33 : Un dernier mot pour nos lecteurs et lectrices ?
IQRA ! Dans son sens le plus large : lis, écris, médite, réfléchis, prie et AIME.

Si cette interview écrite vous a mis l’eau à la bouche, il est possible de vous procurer les deux premiers tomes en cliquant ici ! Aussi courte soit cette entrevue écrite, elle nous rappelle également que la vie est éphémère. J’espère qu’elle vous aura plut, et on se retrouve très vite pour de nouvelles aventures !
