
Entretien avec l’auteur Graïne Rabah
As salam alaykum wa rahmatuLah wa barakatuh mes chères lectrices (et mes chers lecteurs, car je ne vous oublie pas non plus). J’espère que vous allez bien, et que vous avez passé une bonne et agréable semaine. D’ailleurs, pour celles et ceux qui ont eu la chance d’avoir vu un beau paysage vêtue de son plus bel habit blanc (la neige, oui…), j’ose espérer que vous en avez un peu profité par la grâce d’Allah ﷻ.
Comme certaines le savent, je suis une fidèle auditrice de la chaîne YouTube de Mahdi : Umma Vox (que vous pouvez découvrir ICI). Début décembre, j’ai pu faire la découverte d’un ouvrage intitulé « Le voile de la laïcité », écrit par Graïne Rabah. En écoutant la rapide présentation du livre, je me laisse facilement convaincre et je saute le cap de l’achat de ce dernier ! Pourquoi ? Qu’est ce qui m’a poussé à cet achat ? Il y a plusieurs raison à cela.
La première raison, et certainement la plus importante à mes yeux, est liée à ma conversion. Susciter l’intérêt de ses proches à ce sujet n’est pas toujours chose aisée. Le patrimoine islamique est riche. C’est vrai ! Mais, si on appelait à la compréhension de l’islam avec des éléments qui toucheraient d’avantage culturellement une personne non musulmane ? C’est le pari qu’a fait l’auteur : rédiger un ouvrage uniquement basé sur des sources profanes et surtout occidentales. La seconde raison est tout simplement que j’aime mettre en valeur le travail de la communauté.
Sans plus tarder, je vous laisse découvrir l’interview de l’auteur de l’ouvrage « Le voile de la laïcité » : Graïne Rabah.


QUESTION N°1 : Pourriez vous vous présenter (parcours profane, religieux, passions, etc…) ?
Je m’appelle Graïne Rabah. J’ai 35 ans, je suis marié et père de deux enfants. Je suis d’origine algérienne (Kabylie) et vit dans le nord de la France. En ce qui concerne mes études, je suis titulaire de plusieurs diplômes d’études supérieures dont un Master « Science, Religion et Société », parcours d’études des faits religieux où j’ai justement rédigé un mémoire sur la place des femmes dans la religion.
Mon passe-temps principal est la lecture. Cela fait 10 ans que je ne me suis pas retrouvé dans un ou plusieurs livres en cours. Je n’ai jamais lâché mon petit cycle alternant livres religieux / romans / livres profanes (histoire, science, essai, …) / roman, et ainsi de suite. Je suis également fan de mangas, de cinéma et de jeux-vidéos.
Etant le petit dernier d’une famille de grands lecteurs très pratiquants (avec une grande différence d’âge avec mes frères et soeurs), j’ai, al hamdullah, très tôt été familiarisé avec les livres et la lecture islamique.
QUESTION N°2 : Je sais que c’est écrit dans votre ouvrage, mais pourriez vous expliquer d’où vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?
Tout d’abord, « Le voile de la laïcité » n’est qu’une partie d’un ouvrage qui, je l’espère paraîtra plus tard inch’Allah. Le thème du livre en question traite de l’Islam et de la liberté. J’y aborde beaucoup de points tels que le libre arbitre, la diffusion de l’Islam, l’absence de clergé, l’apostasie, l’esclavage, etc… Et forcément, quand on parle d’Islam et de liberté, la question des femmes revient souvent. J’y explique donc la place des femmes dans les religions et les sociétés au cours de l’histoire, mettant ainsi en lumière le caractère émancipateur de l’Islam vis-à-vis de ces dernières. Je démontre également que l’émancipation de la femme en Occident relevait plus de l’utilitarisme que de l’humanisme. Simone de Beauvoir écrivait à ce sujet :
Les prolétaires ont fait la révolution en Russie, les Noirs à Haïti, les Indochinois se battent en Indochine : l’action des femmes n’a jamais été qu’une agitation symbolique ; elles n’ont gagné que ce que les hommes ont bien voulu leur concéder ; elles n’ont rien pris : elles ont reçu.
Simone de Beauvoir – Le deuxième sexe
L’Islam au 7ème siècle, a quant à lui donné des droits aux femmes, sans qu’aucun combat ou revendication n’ait été nécessaire. Ce fut une révolution des mœurs qui a secoué une société profondément ancrée dans des mentalités établies depuis longtemps. Ce changement n’a pas été motivé par des calculs politiques, car le Prophète Muhammad ﷺ n’avait rien à gagner en bouleversant l’ordre établi. En effet, il aurait pu conserver la condition des femmes telle quelle, sans susciter de réactions ou de critiques. Bien au contraire, son message aurait été accepté plus facilement !
Comme vous l’avez deviné, qui dit « femme musulmane en France », dit « voile et laïcité ». Au vu des récentes polémiques concernant l’abaya, j’ai décidé de publier cette partie en avance. Le but étant de déconstruire les arguments fallacieux véhiculés par les médias et d’apporter des armes intellectuelles à la communauté. Les non musulmans sont également concernés par cet ouvrage puisqu’ils subissent le même matraquage médiatique et qu’il est question de « vivre ensemble ».
J’ai pris soin d’élaborer ce livre dans un style simple et hautement accessible, avec des chapitres courts, une police d’écriture adaptée et une approche directe, spécifiquement pensée pour les moins familiers à la lecture, espérant ainsi démontrer que lire n’est pas une tare.
Pour l’idée de me mettre à l’écriture, c’est en regardant un live sur la chaîne YouTube Ummat Vox. L’animateur, Mahdi, disait :
C’est face à une feuille blanche que l’on prend conscience de nos lacunes et de la limite de nos connaissance.
Madhi – Ummat Vox
Je l’ai pris au mot et je me suis lancé dans cet exercice. De plus, l’écriture est le meilleur moyen de structurer sa pensée.
QUESTION N°3 : Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontré au cours de la publication ou de la rédaction de votre ouvrage ?
L’écriture requiert un investissement temporel significatif. Equilibrer cette activité avec le travail et la vie de famille s’avère parfois assez complexe.
En dehors de l’écriture elle-même, la partie la plus compliquée pour moi a été tout ce qui gravite autour du livre : la mise en page, le format, la typographie, et surtout, la couverture. Avec l’actualité bouillante de la rentrée 2023, je voulais vraiment sortir mon livre « Le voile de la laïcité » au plus vite. C’est pourquoi j’ai décidé d’opter pour l’autoédition sur Amazon. J’ai géré tout le processus de A à Z, et je dois dire que la mise en page, ainsi que la conception de la couverture ont été particulièrement laborieuses. Je passerai par une maison d’édition pour mon prochain livre inch’Allah.
QUESTION N°4 : Quelles ont été les choses que vous avez le plus aimé faire / écrire / lire dans la rédaction de votre ouvrage ?
Ce que j’ai vraiment apprécié dans la rédaction de min ouvrage, c’est le plaisir de me plonger à nouveau dans certains livres, mais avec une perspective différente. Il y a une distinction claire entre lire pour s’instruire et lire pour écrire. La recherche prend une tournure totalement différente lorsque l’objectif est d’être le plus précis et cohérent possible dans son propre travail. Notamment sur des thèmes aussi délicats que la laïcité et l’Islam, il est vital d’éviter toute erreur, car la précision et la compréhension approfondie des subtilités sont vraiment essentielles. C’était donc une exploration intellectuelle captivante, et j’ai trouvé cela particulièrement enrichissant.
QUESTION N°5 : Lors de vos recherches pour écrire votre livre « Le voile de laïcité », quel est l’ouvrage qui vous a le plus interpellé, le plus bouleversé ?
C’est vraiment compliqué de faire un choix compte tenu de la diversité des thèmes abordés. Mais je pense que trois livres m’ont marqué particulièrement : « Sociologie d’une révolution » de Frantz Fanon, « Vocation de l’Islam » de Malek Bennabi, et « L’Orientalisme » d’Edward Saïd. La raison commune qui les lie est assez frappante : l’Histoire est un éternel recommencement ! La situation actuelle des musulmans en France résonne étrangement avec le passé. En revisitant ces ouvrages, qui traitent de la colonisation et de la fabrication de l’Islam, on ne peut s’empêcher de se dire : « Mais c’est exactement ce que nous vivons aujourd’hui ! ». La question est de savoir si nous avons vraiment tiré les leçons des erreurs du passé.
A travers ces livres, il est également bouleversant de constater que les femmes ont toujours été l’enjeu principal de l’oppresseur. Fanon l’explique très bien en abordant par exemple ce qu’il appelle « La bataille du voile ». Jusqu’à nos jours, ce sont les femmes, invariablement, qui supportent le fardeau de la discrimination et de l’oppression. Les actes d’islamophobie trouvent majoritairement leurs victimes parmi les femmes. Ce sont mêmes elles, qui sont majoritairement visées par toutes les lois discriminatoires.
QUESTION N°6 : Quel est votre livre préféré (religieux ou non) et pourquoi ?
Dans ma vie de lecteur, il y a eu un avant et un après « Martin Eden » de Jack London.
Martin Eden est un jeune marin très pauvre ayant baigné toute sa vie dans l’ignorance et la violence. Un jour, en travaillant sur les quais, il défend un jeune riche lors d’une bagarre. Ce dernier l’invite chez lui à dîner pour le remercier. A cette occasion Martin rencontre Ruth Morse, sœur du jeune homme qu’il a défendu. Il souhaite l’épouser mais celle-ci n’est pas du même monde. Martin n’est pas éduqué et ne partage pas les centres d’intérêts intellectuels de la bourgeoisie. Il décide donc de s’instruire pour la conquérir. Il se précipite dans les bibliothèques et y dévore tout ce qu’il trouve. Petit à petit, Martin se rend compte qu’il est doté d’une intelligence hors du commun. Il acquiert une connaissance encyclopédique et réalise rapidement que la bourgeoisie, qu’il admirait au départ, ne maîtrise pas réellement la culture. Ce ne sont que des perroquets répétant mécaniquement ce qu’ils ont lu, sans en saisir la véritable substance.
Je ne veux pas en dévoiler davantage pour éviter les spoilers, mais en résumé, ce livre raconte une ascension sociale à travers la quête de connaissance et de culture. C’est une ode à la lecture et une lutte contre les déterminismes sociaux qui nous incitent à rester au plus bas de l’échelle. En refermant ce livre, une soif de connaissance m’a envahi et plus jamais je ne me suis arrêté de lire.
QUESTION N°7 : Selon vous, quelles sont les solutions qui s’offrent à la communauté aujourd’hui ?
Comme l’affirmait Précieux Syross Mendossa : « Le respect ne se demande pas, mais il s’affirme ». Il existe deux facettes du respect : une dimension intérieure, forgée par la pratique spirituelle et une foi profonde envers Allah, et une dimension extérieure, bâtie sur nos actions, notre statut, notre comportement, notre influence… Ces deux aspects sont d’une importance capitale et s’entremêlent harmonieusement lorsqu’Allah est au centre de notre intention.
Un véritable retour à la religion est la clé de notre émancipation et de notre réussite. Il semble que nombre d’entre nous aient perdu de vue le fait que l’Islam n’a pas vocation à se préoccuper uniquement du culte. En réalité, dans le monde, dans l’univers, tout est Islam. Les domaines sacré et profane sont tous deux empreints d’une essence islamique. Par exemple, en explorant les sciences, nous nous engageons dans une quête visant à comprendre la création divine, une démarche qui revêt la dimension d’un acte d’adoration.
Prenons l’exemple d’Al-Biruni, un éminent savant du 11ème siècle. Parmi ses accomplissements exceptionnels, nous pouvons citer son calcul très précis du rayon de la Terre à l’aide d’un astrolabe ou ses premières réflexions sur la force d’attraction que la Terre exerce sur les corps. Al-Biruni a exprimé que la motivation de sa quête de savoir reposait sur le verset 191 de la sourate Al-Imran, qui invite à réfléchir sur la création des cieux et de la terre, louant ainsi la grandeur divine. On peut également penser à tous ces médecins comme Avicène et son canon de la médecine ou Abu Al-Qasim, père de la chirurgie moderne, conscients de la parole prophétique : « Dieu n’a pas fait descendre sur terre une maladie, sans lui faire descendre un remède. Soignez vous ! ». La parole de notre Prophète ﷺ a donc été un moteur qui a révolutionné la médecine. Des exemples, il y en a des milliers. Lorsque les musulmans suivaient ces principes, l’Islam rayonnait et le monde musulman était au sommet de l’influence mondiale.
Des le premier mot révélé, le Coran nous enjoint à une quête de savoir infinie « Iqraa / Lis ». A travers ce mot, Dieu nous indique que la communauté de Muhammad ﷺ deviendra celles des lettrés, qui se développera par la science, la lecture, la connaissance. Peut-on encore dire en 2024 que nous sommes la communauté de Iqraa ? C’est d’ailleurs ce que prône votre belle association à travers les clubs de lectures, la quête du savoir, les groupes d’aides au devoir, etc…, car comme vous le dites si bien : « Etre musulmane ne se résume pas à l’apprentissage religieux. En effet, il est aussi important pour la femme d’entreprendre et/ou de se former dans les domaines dit profanes ».
Autre exemple, chez les adolescents musulmans, la ferveur religieuse soutenue et continue est un facteur positif de réussite scolaire. Ce qui est conforme au principe selon lequel la pratique religieuse conditionne un mode de vie plus régulé, plus ascétiques, et par conséquent favorable à l’étude. La pratique religieuse est une stratégie spirituelle pour trouver de nouvelles régulations, de nouvelles normes, une éthique, bref, pour sortir de l’anomie, de l’absence de but. Récemment, nous avons eu l’illustration de trois élèves qui avaient mémorisé la totalité du Coran et ont obtenu une note parfaite de 20/20 à l’examen du baccalauréat. Autrement dit, l’Islam est également une réaction contre la précarité. Ainsi, à l’instar de nos Prophètes, Dieu doit être le point de départ du changement social.
Le sujet est très vaste, on ne pourra pas tout aborder ici, mais en résumé, il faut revenir aux fondamentaux. Les solutions pour la communauté musulmanes existent depuis plus de 1400 ans. L’histoire atteste que lorsque les musulmans suivaient les préceptes islamiques dans leurs globalité, ils se trouvaient au sommet du monde, tandis que leur déclin survenait lorsqu’ils les abandonnaient.
Le musulman ne doit pas tomber dans une pratique individualiste de l’Islam se limitant au seul culte. Le Prophète Muhammad ﷺ disait : « Quiconque se réveille sans se soucier des affaires des musulmans, ne fait pas partie d’eux ». Chacun a un rôle à jouer par ses actes, son savoir, ses compétences, son comportement, son investissement, ses moyens financiers, ses dou’as, son influence… Et aucun apport n’est insignifiant, car, comme le souligne Dieu dans le Coran : « En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. ».
QUESTION N°8 : Auriez vous des conseils de lecture à nous donner ?
A mon sens, il est essentiel de se plonger dans la biographie de notre Prophète Muhammad ﷺ ainsi que dans celle des quatre premiers califes bien guidés. Ces récits ne sont pas simplement des pages d’histoire, mais plutôt des leçons vivantes qui éclairent le chemin vers une compréhension approfondie de l’Islam, de son message et de ses objectif.
Les livres « Héros de l’Islam » et « Femmes d’Islam » écrits par ‘Issa Meyer offrent une introduction captivante pour explorer les vies extraordinaires de grands personnages musulmans (et musulmanes) qui ont laissé une empreinte révolutionnaire sur le monde. Se plonger dans leurs histoires s’avère extrêmement inspirant, en découvrant comment ces individus ont surmonté des épreuves pour faire prévaloir la justice.


Il est vraiment essentiel d’étudier l’histoire de France ! C’est quelque chose qui est assez délaissé dans la communauté mais c’est une grave erreur. Avant tout, c’est notre pays et nous y vivons. Ensuite, nous musulmans, nous avons un message à transmettre. Allah nous dit dans la sourate Ibrahim : « Et nous n’avons envoyé de Messager qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer ». La langue n’est pas simplement une suite de mots, elle porte en elle une culture. Et il est de notre devoir de la connaître au mieux afin de faciliter le dialogue. Comprendre l’histoire de France nous permettra d’établir des ponts de communication plus solides avec nos concitoyens. Dans les sciences islamiques, les poèmes de la jâhilîya sont étudiés. Ce sont pourtant des poèmes qui parlent de choses illicites mais cela est essentiel pour s’imprégner de la culture des arabes de l’époque préislamique. Ainsi, nous réalisons comment les Prophètes, par leur connaissance approfondie de la culture de leur temps, ont pu dialoguer de la manière la plus efficace. C’est une démonstration du pouvoir de la compréhension culturelle dans la transmission des enseignements.
En cette période où l’Islam est souvent l’objet de critiques virulentes, il devient impératif de se familiariser avec notre histoire. Contrairement à ce qu’on cherche à nous faire croire, l’Islam a joué un rôle déterminent dans la construction de l’Occident. Ainsi, parler uniquement de racines judéo-chrétiennes est factuellement faux. Les ouvrages « La civilisation des arabes » de Gustave Le Bon, « Le soleil d’Allah brille sur l’Occident » de Sigrid Hunke ou encore « Clarification limpide de l’Islam » de Laura Vaccia Vaglieri en témoigneront.
Je comprends que plonger dans les livres d’histoire puisse sembler indigeste à certains. Pour remédier à cela, je recommanderais les romans historiques. Ils allient le plaisir de la lecture avec des scénarios captivants et la découverte culturelle grâce à des informations historiques. Dans le genre, je recommande :
La saga « Saladin et l’anneau magique » de Lyes Chacal, qui relate les aventures d’un jeune garçon voyageant dans le temps pour sauver son père. Au fil de ses péripéties, il croise des grandes figures de l’Islam, comme le voyageur Ibn Battuta. On y apprend énormément de choses.
Le roman « Maria » de Renaud K est une histoire magnifique qui dépeint la persécution des musulmans et des juifs après la Reconquista de l’Espagne musulmane.
Le roman « Incha’Allah » de Gilbert Sinoué offre une plongée fascinante dans l’histoire du Moyen-Orient à travers le prisme d’une famille syrienne, égyptienne, israélienne, palestinienne et irakienne. L’histoire commence avec les accords Sykes-Picot en 1916, mettant en scène la négociation entre deux hommes (Mark Sykes et François-Georges Picot) pour le partage de l’Empire ottoman après sa chute. Le récit s’étend jusqu’aux Printemps arabes en 2011, couvrant ainsi un siècle de bouleversements historiques. C’est l’un des livres où j’ai acquis le plus de connaissance sur le sujet. Divisé en trois tomes, il se lit de manière très fluide.



Il y a bien sûr énormément de roman de ce genre, ce serait trop long d’en énumérer plus.
QUESTION N°9 : Vous avez choisi d’œuvrer pour la communauté en écrivant. Selon vous, comment les jeunes, désireux de se lancer pourraient trouver leur voie et quels sont les domaines d’action sous exploités ?
Je pense qu’il y a énormément de domaines d’actions qui restent sous exploités. Pour répondre, je vais m’inspirer des mots de Nouman Ali Khan, qui dit que les musulmans doivent devenir influents en investissant « le tissu de la société ». Le but ici n’est pas hégémonique, il n’y a pas de volonté de dominer le monde mais simplement d’imposer le respect. Il faut qu’on dise stop, on ne peut plus nous parler comme ça. Et le meilleur moyen pour cela est l’ascension sociale et de rechercher des activités influentes. Nos parents nous ont souvent inculqué que le chemin du succès consistait à devenir médecin, ingénieur, informaticien, etc… (ce qui est très bien en soi, il en faut ! Mais pas que…). En bref, des professions qui offrent une stabilité financière. La réussite, telle qu’elle nous a été enseignée est souvent associée à l’aisance matérielle, la possibilité d’acheter une maison, de vivre dans un quartier agréable, en résumé, d’atteindre le succès sur le plan individuel. Mais qu’en est il pour la communauté ?
Même si nous réussissons en tant qu’ingénieurs, médecins, ou par d’autres moyens qui nous permettent de mener une vie confortable, en fin de compte, nous ne sommes que des travailleurs hautement qualifiés sans véritable influence sur les esprits. Nous ne participons pas au mouvement de la société. Nous devenons essentiellement des consommateurs prospères capables d’acquérir des biens matériels et de contribuer à l’économie, mais notre impact sur la transformation sociale demeure limité. Les médias, les académies, les universités façonnent les esprits des cadres dans la société. Il nous faut donc des musulmans sociologues, anthropologues, politologues, historiens. Nous avons besoin de jeunes musulmans créatifs qui se consacrent à l’étude des médias, du cinéma, de la littérature et bien d’autres disciplines. Quand verrons nous émerger un lauréat musulman du prix Nobel de littérature ? Il est temps que notre communauté s’investisse davantage dans ces domaines pour influencer positivement les perceptions et contribuer à l’évolution culturelle et intellectuelle du pays.
Le prophète Muhammad ﷺ défiait les poètes de son époque. La poésie était le moteur qui mettait la société en mouvement. Et qui sont les poètes d’aujourd’hui ? Ce sont les médias, les journalistes, les intellectuels, les universitaires, les historiens, les sociologues, les politologues, les grandes entreprises du privé, les pontes de la publicité, les cinéastes, etc… En bref, tout ceux qui font la pluie et le beau temps idéologique. Par exemple, imaginez la puissance du cinéma, qui a été capable de persuader le monde entier que les Indiens d’Amériques étaient les méchants grâce aux Westerns. Notre absence dans ces domaines clés explique en partie pourquoi nous faisons face à des calomnies constantes.
Pourquoi ne trouvons nous pas au sein de notre communauté des entreprises de grande envergure telles que Auchan ou Carrefour, qui pourraient employer des milliers de salariés dans le pays ? Notre objectif va au(delà de soutenir uniquement la communauté musulmane, il s’étend à l’ensemble de la France. Nous n’aspirons pas à la domination, mais plutôt à devenir une composante essentielle du « tissu de la société », à être utiles voire indispensables. L’idée est de contribuer positivement et de façon significative au bien-être de la société dans son ensemble. C’est ainsi que nous imposerons le respect.
Il ne faut pas l’oublier, la force de la communauté musulmane réside dans le nombre. Nous sommes deux milliard dans le monde, alors comment en est on arrivé là ? La réponse a été donnée par le Prophète ﷺ : » Les différentes communauté sont sur le point de se regrouper contre vous comme se regroupent les gens qui mangent autour d’un plat ». Une personne lui a demandé si ce serait à cause du petit nombre de musulmans à cette époque. Le Prophète ﷺ répondit : « Ce jour là, vous serez plutôt nombreux. Mais vous serez comme l’écume du torrent (c’est à dire faibles et méprisables). Allah va retirer des cœurs de vos ennemis la peur (et donc le respect en ce qui nous concerne) qu’ils avaient de vous et il mettra dans vos cœurs le wahn (l’amour d’ici-bas et le fait de détester ‘au-delà) ».
Il est du devoir de chaque parent de déployer tous les moyens nécessaires pour favoriser l’éducation et la réussite scolaire de leurs enfants, les encourageant ainsi à exceller dans leurs domaines tout en préservant une éthique musulmane irréprochable. Nous y arriverons ensemble ou nous n’y arriverons pas.
QUESTION N°10 : Quels sont les conseils que vous aimeriez adresser à notre jeune communauté pour lutter contre l’injustice à laquelle elle peut être confrontée ? Mais également pour mieux vivre en tant que musulman français ?
Pour mieux vivre en tant que musulman en France, je pense que nous devons commencer par nous assumer pleinement. La pression médiatique autour de l’Islam est telle, que beaucoup en sont arrivé à masquer leur religiosité en public. Nous avons tous vu des musulmans se dire « végétariens » pour éviter de dire qu’ils mangeaient halal par exemple. Nous agissons comme si notre identité était illégitime. Or, elle l’est bel et bien. Nous sommes autant français que les autres. Si nous ne cultivons pas le respect envers nous même et notre religion, comment l’attendre des autres ? Avez vous déjà vu ces ados qui ont honte de leurs parents ? Qui refusent de se montrer en public avec eux ? Quelle tristesse de voir cette maman ou ce papa se sentir humilié. Que pensez vous de ce genre d’adolescent ? Notre attitude n’est elle pas la même vis-à-vis de l’Islam et de nous même ?
Pour vivre pleinement et en toute confiance, il est impératif de plonger au coeur de notre foi. A mon sens, le manque de connaissances crée en nous un vide qui peut nourrir l’incertitude. L’Islam, source de perfection, révèle une sagesse rationnelle dans chaque recommandation, obligation ou interdiction. La compréhension profonde de ces finalités confère une assurance, car elle dissipe les craintes liées à l’exposition de nos idées et à la confrontation aux questions. Lorsque nous sommes conscients des fondements rationnels de nos convictions, cela devient une source de force intérieure. Nous n’avons plus à craindre le dialogue et l’échange d’idées, car nous comprenons les buts qui sous entendent nos pratiques et croyances. S’armer de connaissances, c’est se doter d’un bouclier contre l’ignorance et les malentendus. Cela nous permet non seulement de nous assumer pleinement en tant que musulmans, mais aussi de partager notre compréhension avec autrui de manière éclairée et bienveillante. Ainsi, la confiance qui émane de cette connaissance approfondie devient une lumière qui guide notre parcours avec sérénité et assurance.
QUESTION N°11 : Un dernier mot pour clôturer cette interview ?
Je souhaite exprimer ma sincère gratitude à l’association AL ADAWIYYA pour l’attention qu’elle accorde à mon ouvrage. Mes félicitations chaleureuses à tous les membres, car cette association incarne véritablement le genre de structure nécessaire pour inspirer et élever notre communauté.
Nous arrivons malheureusement à la fin de cette interview très enrichissante. Ce fut un plaisir pour moi de faire plus ample connaissance avec le frère Graïne Rabah et la réalisation de cet article m’a vraiment passionnée (petit clin d’œil à Abisensei qui m’a grandement aidée dans l’élaboration de ce questionnaire). J’espère que vous ressentirez à la lecture ce que j’ai pu ressentir inshaAllah ! D’ailleurs, en parlant de lecture, vous pouvez vous procurer l’ouvrage « Le voile de la laïcité » sur Amazon en cliquant ICI. Pour l’avoir lu, je vous le recommande à 100%. Je crois qu’après le livre « La Sira du Prophète ﷺ expliquée aux jeunes » écrit par Sofiane Meziani, c’est le livre que j’ai lu le plus rapidement (2 semaines exactement), tellement il était passionnant et facile à lire. Pour celles et ceux qui auront pris le temps de lire le livre, je vous invite vivement à publier un commentaire à son sujet sur la plateforme Amazon. C’est important !
Vous commencez à nous connaître à force… Nous avons encore une toute dernière surprise (ou pas…). En effet, l’auteur a mis à notre disposition le chapitre « Quand les femmes en Hijab brisent les stéréotypes ». Je vous invite à le lire. En plus de bénéficier d’un moment instructif, cela vous donnera peut être envie de vous procurer l’ouvrage complet inshaAllah !
Et voilà, nous arrivons maintenant réellement à la fin de cet article. J’espère qu’il vous aura plu. N’hésitez pas à laisser un commentaire, ça fait toujours plaisir ! A la prochaine inshaAllah, pour de nouvelles aventures sur AL ADAWIYYA.
